Robin dans les Arbres
journal d'une aventure urbaine

Démarche artistique


Mon travail s’articule autour d’une pratique performative qui consiste à me percher dans les arbres de la ville, à y établir une présence naïve et spontanée. Ce simple dispositif, cette image poétique me permet d’interroger les notions de subjectivité et de productivité en développant une pensée nomade, ainsi qu’un mode de sociabilité citadin affranchi de tout rapport de pouvoir et marchand, en dehors des logiques du capital.

L’impulsion qui me guide est celle d’un acte de révolte face aux forces qui dominent le mode d’existence imposé par l’idéologie capitaliste néolibérale1. Au coeur de la cité, je trace une ligne de résistance active qui s’inscrit dans un champ de relationalité distinct des mécaniques de pouvoir. Simplement, il s’agit d’une recherche de liberté.

Sans étiquette, livré à la contemplation, mon personnage découvre au travers de ses rencontres et de ses environnements les richesses, les tensions, les enjeux et la diversité de nos villes et de leurs habitant·es. J’en tire alors des récits, mélanges d’observations et de réflexions inspirées par mon implantation dans un tissu social localisé, supportées par l’apport de mes lectures théoriques et philosophiques. Pris comme un ensemble, ces récits forment une sorte de journal, fil narratif de la déconstruction de ma propre subjectivité.

Les thèmes qui émergent naturellement au fil de mon parcours narratif sont entre autres la discrimination et la gentrification, les notions de subjectivation2, d’assimilation3, de souveraineté4 et de collectivité. Empruntant à de nombreux registres, mes écrits se veulent accessibles mais sans compromis face à la complexité du monde qu’ils dépeignent. Via une analyse de la condition bourgeoise, je rejette l’axiome capitaliste pour défendre une pensée radicalement internationaliste et égalitaire.

Mon programme est féministe, intersectionnel5, anti-capitaliste et décolonial6. Mon objectif est de rendre ces idées accessibles et d’élargir leur audience. Parmi mes stratégies se trouvent le recours à la proximité et à la transmission orale. Ma présence dans la rue est une invitation à découvrir et à discuter ces notions souvent confinées à des milieux élitistes. Par le dialogue, j’emmène prudemment une partie de mon public en dehors de leur zone de confort, pour sensibiliser et éveiller la curiosité de manière bienveillante.

Ce travail se développe parallèlement à mes interrogations sur l’éthique de la création7, la légitimation de l’artiste8 et la production du savoir dans notre société actuelle9. Ces problématiques émergent et s’entremêlent dans mes écrits, ébauchant un discours philosophique incarné soucieux des enjeux politiques de l’art.

Mes textes sont disponibles sur ce site en français et en anglais. Il peut m’arriver de les partager au format papier lors de mes rencontres avec un public, mais ils ne sont jamais vendus.

mes lectures et performances s’adaptent aux cadres où elles se déroulent, techniquement et formellement. Cela peut aller d’une rêverie intime dans l’herbe à un dispositif théâtral ambitieux avec travail sonore, vidéo et lumière. Dans tous les cas, elles sont suivies d’une phase de conversation avec le public.

Il est également impératif qu’elles soient gratuites, ouvertes à tous·tes et communiquées de façon inclusive et réfléchie. Mon intervention sur ce dernier point, forte de mon expérience de la communication pour le milieu culturel10, cherche à rejoindre des publics nouveaux et à chambouler l’entre-soi caractéristique des institutions artistiques bourgeoises11. Sans prétentions déplacées, cette intervention se fait en fonction de sa pertinence contextuelle et du temps qu’il m’est possible d’y investir.

Mes prestations sont toujours non rémunérées, cela pour d’une part, permettre aux institutions qui souhaitent m’accueillir de pouvoir le faire indépendamment de leurs moyens, d’autre part me développer un mode d’opération où la libre poursuite de mon travail n’est pas déterminée par les enjeux politiques liés au financement de la culture et des arts12.

Le financement de ma pratique repose sur le modèle du mécénat. Ce principe me permet d’affranchir ma recherche artistique de tout impératif de production et de choisir mes partenaires en accordance avec mes valeurs éthiques et politiques. Je suis conscient des paradoxes inhérents au choix du mécénat comme mode de financement. Faute de mieux, il s’agit pour l’instant du modèle qui me fournit l’indépendance et la sécurité nécessaires à la poursuite d’une démarche d’intérêt public et fondamentalement anti-capitaliste.

Le mécénat encourage à me soutenir sur le long terme y compris pour des institutions qui ne pourraient pas m’intégrer dans leur programme mais souhaitent apporter leur soutien à mon oeuvre. Les dons non marchands sont également privilégiés, ainsi que l’utilisation de devises indépendantes des systèmes étatiques et bancaires.


Robin13


  1. Pour une articulation philosophique de l’état actuel du modèle néolibéral, je recommande fortement la lecture de Brian Massumi,particulièrement The Power at the End of the Economy (2015) ↩︎

  2. Voir par exemple, Michel Foucault, The subject and Power (1982) ↩︎

  3. Ici je parle d’assimilation capitaliste. Pour une lecture essentielle à ce sujet,, Gilles Deleuze and Felix Guattari, l’Anti Œdipe (1972) – c’est un livre qui a changé ma vie. ↩︎

  4. Contre le subjectivisme, éternellement inspirant pour son anti-réductionnisme: Georges Bataille, La Souveraineté ↩︎

  5. En attendant que je trouve une meilleure source, cette page wikipedia fera l’affaire ↩︎

  6. La question du racisme et de la décolonisation est un enjeu majeur pour une remise en question du capitalisme. Pour un éclairage approfondi sur ce sujet, voir le travail d’Olivier Marboeuf. ↩︎

  7. Pour cet aspect de ma réflexion, je puise essentiellement mon inspiration dans le travail philosophique de Paul Audi. Par exemple, Créer : Introduction à l’esth/éthique (2010) ↩︎

  8. À nouveau, voir Paul Audi, discours sur la légitimation actuelle de l’artiste (2012), et Nathalie Heinich, Face à l’art contemporain (2003) ↩︎

  9. Pour une prise de position acide et concise sur l’industrie actuelle du savoir, je recommande ce court article de Hammam Aldouri et Scott Jenkins publié en 2018 sur Damage↩︎

  10. J’ai travaillé en tant que graphiste pendant quelques années, dans un studio dont les clients faisaient essentiellement du paysage culturel institutionnel. J’ai ainsi participé au développement de nombreuses campagnes de communication, expertise que je chéris encore aujourd’hui. ↩︎

  11. Ici, j’utilise le terme bourgeois dans son sens littéral. Ce n’est pas un gros mot ! ↩︎

  12. Ce n’est pas un secret d’initiés que l’art qui ne rentre pas dans un moule commercial conventionnel peine à se trouver des modes de financement. C’est un sujet très complexe. Au passage, n’hésitez pas à signer cette pétition↩︎

  13. Aussi esthétiquement plaisant soit-il, mon nom de famille, que je suis contraint d’utiliser pour des raisons administratives et juridiques, est un bagage patriarcal assez lourd que je n’aime pas tant utiliser comme véhicule de communication pour mon travail. D’un autre côté, j’apprécie mon prénom car il évoque de façon évidente l’autonomie et la désobéissance civile, en plus d’être fluide entre les sexes. Donc c’est juste Robin ! ↩︎